Kiné et ostéo : un travail complémentaire ?

On entend souvent que la kinésithérapie et l'ostéopathie sont complémentaires, mais qu'en est il vraiment ?

Sommaire :

Différences et similitudes entre kiné et ostéo

Si vous êtes ostéopathe

Si vous êtes kiné

Que retenir ?

Références

Si vous êtes professionnel de santé en France,

j'ose imaginer que le rôle de chacune des professions est clair pour vous.

Dans un soucis de clarté, je préfère quand même commencer par quelques bases (1, 2).

Différences et similitudes entre kiné et ostéo :

Kinésithérapeute	Ostéopathe
Professionnel de santé Accès sur ordonnance (la plupart du temps) Remboursé par la sécurité sociale (le plus souvent)	Thérapeute non professionnel de santé Accès direct sans ordonnance Remboursé par certains contrats mutuelle
Champ de compétence : Rééducation du corps humain (notamment musculosquelettique mais aussi respiratoire, vestibulaire...) Actes réglementés : activité physique, thérapie manuelle, instruments thérapeutiques...	Champ de compétence : troubles fonctionnels du corps humain, à l'exclusion des pathologies organiques qui nécessitent une intervention thérapeutique, médicale, chirurgicale, médicamenteuse ou par agents physiques. Actes réglementés : thérapie manuelle non instrumentale et exclusivement externe.

Comme vous pouvez le voir dans le tableau ci-dessus les deux professions ont des similitudes et des différences. La liste précédente n'est évidemment pas exhaustive car certains points mériteraient d'être abordés dans un autre article avec beaucoup de nuances (philosophie, origines de la profession, concepts, cadres cliniques, nuances au sein d'une même profession, ressenti des patients...).

Personnellement, je suis d'avis que le facteur le plus discriminant entre les deux professions est le cadre légal.

On peut remarquer que les ostéopathes ont une partie de leur champ de compétence commun avec celui des kinés. Il faut tout de même relever que légalement il n'y a rien qu'un ostéopathe puisse faire sans que le kiné y soit également autorisé.

En clair : le champ de compétence de la kinésithérapie englobe celui des ostéopathes.

Champ de compétence des kinés VS ostéo

Alors pourquoi entend on si souvent que la kinésithérapie et l'ostéopathie sont complémentaires ?

Les professionnel ostéopathes et kinésithérapeutes ont ils un intérêt à travailler ensemble ?

Dans mon cabinet, il est courant que des patients viennent me voir après avoir consulté un premier ostéopathe avant moi. Si vous êtes kinésithérapeute, peut être avez-vous déjà eu des raisons de renvoyer un patient vers un confrère kinésithérapeute également.

Si vous n'avez jamais travaillé avec d'autres professions peut-être avez vous du mal à y voir un intérêt. J'aimerai vous éclairer.

Si vous êtes ostéopathe :

Après avoir remis en perspective le champ de compétence des deux professions il semble indéniable que si vous êtes ostéopathes vous serez amené à suggérer à vos patients de voir un kiné un jour.

En effet, lorsque la prise en charge est menée consciencieusement une partie de celle-ci consiste à mettre en œuvre des tests d'exclusion afin d'écarter autant que possible des pathologies sérieuses nécessitant des soins médicaux et de guider le patient si nécessaire :

• On peut penser aux troubles urgents comme les pathologies vasculaires : phlébites ou troubles cardiaques. Mais la réorientation médicale n'est pas uniquement utile lors des urgences.

  
  

• Si on prend l'exemple de la pratique sportive : la prise en charge des périostites n'a rien d'urgent, en revanche on se situe déjà au delà du trouble fonctionnel et donc le champ de compétence des ostéopathes. Pour permettre au sportif de reprendre son activité en toute sérénité celui-ci nécessitera des conseils adaptés et éventuellement un suivi en rééducation.

  
  

• Parfois le suivi s'annonce d'emblée long et dans ces circonstances il me semble éthique de suggérer une prise en charge kinésithérapique qui sera le plus souvent remboursée en totalité au patient.

  
  

• Persister dans une prise en charge ostéopathique malgré des résultats mitigés peut entrainer un retard diagnostic ou une perte de chance. Il est nécessaire de savoir reconnaître (sans délai) nos limites dans l'intérêt des patients.

Si vous êtes kiné :

Si un kiné est légalement autorisé à faire tout ce que l'ostéopathe est autorisé à faire, vous pouvez vous demander :

Le kiné a-t-il intérêt à conseiller un ostéopathe à son patient ?

Selon moi un kinésithérapeute peut orienter son patient vers un ostéopathe de la même manière qu'il peut orienter son patient vers un autre kinésithérapeute :

• Prise en charge qui stagne,

• Besoin d'un regard neuf, d'un avis extérieur,

• Compétences différentes...

  
  

En effet :

• L'objectif commun étant de venir en aide au patient le plus rapidement possible. Il est plus intéressant de lui conseiller de consulter un autre professionnel dès la présence de signes de stagnation plutôt qu'au bout de plusieurs mois/années,

• Si le professionnel est à court d'idée pour la prise en charge ou qu'il doute de la pertinence de sa prise en charge. Il peut ressentir le besoin d'avoir un regard neuf sur la situation, de recevoir des suggestions pour trouver des idées nouvelles,

• Si le professionnel est conscient de ses limites et qu'il connait un professionnel mieux informé ou compétent sur un sujet précis (Exemples : neuro, triage, douleur chronique, communication thérapeutique, TCC, hypnose, maxillo-facial, pédiatrie, thérapie manuelle, exercices thérapeutiques...).

Parfois il est également utile de travailler de concert pour d'autres raisons :

• Un patient qui souhaite un deuxième avis parce qu'il n'était pas certain de celui de son thérapeute,

• Plusieurs avis allant dans la même direction pour aiguiller la prise en charge d'un patient en errance,

• Avoir un discours cohérent entre professionnels pour endiguer le passage à la chronicité,

• Garder une bonne alliance thérapeutique en répondant aux attentes des patients.

Dans le cas d'une prise en charge qui traine en longueur ou quand le kinésithérapeute aimerait un regard extérieur, il est parfois plus aisé de renvoyer vers un ostéopathe que vers un autre kinésithérapeute. En effet, les ostéopathes étant disponibles en accès direct le patient peut continuer sa prise en charge avec son kiné habituel sans contrainte administrative supplémentaire.

Il faut tout de même noter que le code de déontologie des kinésithérapeutes leur interdit de faire la promotion de thérapies non suffisamment éprouvées ou illusoires (3). C'est pourquoi si vous êtes kiné vous devez être prudent et bien choisir les thérapeutes que vous conseillez.

En effet, tous les ostéopathes ne travaillent pas de la même manière et le discours de certains peuvent rentrer en opposition avec la prise en charge kinésithérapique et par conséquent risquer d'allonger le temps de prise en charge.

Il faut tout de même préciser que ces discours sont loin d'être l'exclusivité des ostéopathes (malheureusement).

Les outils thérapeutiques utilisés par les ostéopathes sont notamment des techniques de thérapie manuelle. Cette dernière a pu montrer des résultats similaires à ceux des traitements recommandés chez les patients atteints de lombalgie chronique (4, 5).

Que retenir ?

• Maîtriser l'art de reconnaitre le bon moment pour conseiller un autre professionnel n'est pas toujours aisé,

• Travailler en collaboration et avoir des regards croisés sur une situation c'est enrichissant pour toutes les parties,

• Parler de complémentarité c'est faire passer un mauvais message (sous entendu l'un nécessite forcément l'autre),

• Conseiller un autre thérapeute c'est moins une question de profession que de compétences.

Encourageons le bon travail d'équipe pour donner les meilleurs soins à nos patients !

J'espère que cet article aura su répondre à vos interrogation ou aura au moins permis d'alimenter une réflexion personnelle sur le sujet.

N'hésitez pas à me donner votre propre réflexion sur le sujet en commentaires !

Merci de m'avoir lue et surtout ...

Prenez soin de vous !

Références :

1. Code de la santé publique, Section 1 : Actes professionnels (Articles R4321-1 à R4321-13) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LEGISCTA000006190616/

2. Décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000462001

3. Code de déontologie du masseur-kinésithérapeute, R. 4321-87 Charlatanisme https://deontologie.ordremk.fr/devoirs-envers-les-patients/r-4321-87-charlatanisme/

4. De Oliveira Meirelles, Frederico ; Osteopathic manipulation treatment versus therapeutic exercises in patients with chronic nonspecific low back pain: A randomized, controlled and double-blind study ; Journal of Back and Musculoskeletal Rehabilitation ; 21 May 2020 ; vol. 33, no. 3, pp. 367-377 ; DOI : 10.3233/BMR-181355 ; https://content.iospress.com/articles/journal-of-back-and-musculoskeletal-rehabilitation/bmr181355

5. The effect of spinal manipulative therapy on pain relief and function in patients with chronic low back pain: an individual participant data meta-analysis ; Physiotherapy ; 2020 ; Volume 112 ; p121-134 ; https://www.physiotherapyjournal.com/article/S0031-9406(21)00025-0/fulltext